24.

Au château de Caen, le marquis d’O s’était installé dans le logis des Gouverneurs. Le donjon carré avait été renforcé et deux couleuvrines installées, dont une en face de la porte des Champs, pour couvrir la barbacane. François d’O avait fait rentrer d’importantes quantités de porc salé, de céréales et de cidre qui étaient entreposées dans les caves. Il avait aussi donné ordre aux échevins de la ville de renforcer la garde des portes et de ne laisser entrer aucune troupe armée sans qu’il en ait donné l’autorisation. Craignant une trahison comme cela s’était produit dans plusieurs autres villes, seuls ses gens avaient accès aux canons et à la poudre. Il avait d’ailleurs fait désarmer les habitants qui n’assuraient pas la garde et ses sergents surveillaient étroitement la milice bourgeoise.

Quant à son frère et à son lieutenant, ils patrouillaient continuellement dans les campagnes avec une centaine de cavaliers. Chaque jour des messagers informaient le roi, et chaque jour le marquis recevait des instructions de Paris. O avait ainsi été averti de la grande offensive du duc de Guise par plusieurs lettres d’Henri III. Dans la dernière, celui-ci affichait sa satisfaction quant aux mesures que le marquis avait prises pour la défense de Caen.

Ce m’a été plaisir de voir par les lettres que vous m’avez écrites l’assurance que vous me donnez… Vous ne vous départirez jamais de l’affection et de la fidélité que vous portez au bien de mon service…

Le roi voulait à tout prix conserver la Normandie maintenant que partout en France, les villes et les places fortes tombaient dans l’escarcelle des Lorrains soit par trahison des gouverneurs, soit par ralliement des ligues bourgeoises. Si la province, qui fournissait le quart des tailles du royaume, passait à la Ligue, le roi ne pourrait plus payer son armée et perdrait son royaume.

Seuls la ville de Rouen et ses environs restaient sous l’emprise de Charles de Lorraine, comte d’Harcourt et duc d’Elbeuf, qui détenait par sa branche maternelle des droits féodaux sur la province dont il voulait devenir gouverneur. Henri III avait plusieurs fois tenté de le gagner à sa cause. Après tout, n’était-il pas un Vaudemont, de la même famille que la reine, son épouse ? Ainsi, le jeune Elbeuf était entré dans l’ordre du Saint-Esprit dès 1581. Mais le monarque conciliant n’avait pas été récompensé de ses bienfaits et Charles de Lorraine avait rejoint la Ligue de son oncle, le duc de Guise.

Depuis le début du mois, avec une troupe de trois cents lances, il gagnait peu à peu les villes à sa cause, que ce soit par la force, la persuasion, ou la trahison. Rouen était à trois jours de Caen et chaque jour, François d’O s’attendait à ce que Elbeuf se présente aux portes de la ville pour demander les clefs du château. Il était d’autant plus certain qu’il viendrait que son père, le marquis d’Elbeuf, avait été gouverneur du château et avait capitulé devant les protestants de Montgomery en 1563, après un petit siège de trois jours. Pour cette raison, le fils brûlait de reprendre la place afin d’effacer ce déshonneur familial.

C’est à ce moment de grande tension, en une froide fin d’après-midi, qu’Eustache de Cubsac arriva, puant et suant après une chevauchée presque sans débotter depuis Paris. François d’O le reçut aussitôt et lui fit porter à boire et à manger. La bouche pleine, le Gascon lui raconta les récents événements qui s’étaient déroulés dans la capitale et lui expliqua que M. Hauteville avait enfin fait la lumière sur les détournements des tailles royales. Cubsac était incapable d’expliquer la fraude, sinon que tout reposait sur de fausses noblesses. M. Hauteville avait aussi découvert que l’organisateur en était un receveur général des tailles du nom de Jehan Salvancy.

Avec les preuves qu’il avait en mains, M. Hauteville pouvait demander à M. Séguier de faire arrêter M. Salvancy, mais il y avait vu deux obstacles.

— M. Salvancy est non seulement receveur général, mais sans doute membre de la sainte union, et protégé par le duc de Guise. À moins que le roi ne donne une lettre de cachet au prévôt de Paris, M. Hauteville devra monter un solide dossier d’accusation pour le lieutenant civil, ce qui prendra du temps. Durant ce délai, les amis de ce félon le préviendront et, soit il disparaîtra, soit il détruira toutes les pièces compromettantes qu’il aura en sa possession.

— Je peux écrire à Sa Majesté pour qu’il remette une lettre de cachet à Villequier. Mon beau-père est gouverneur de Paris et peut procéder à l’arrestation, affirma O.

— C’est là que surgira le second obstacle, monsieur. Paris est en ébullition avec le changement des capitaines et des lieutenants de la milice. Le peuple gronde. Selon M. Poulain – et je suis d’accord avec lui – il suffirait d’un rien pour déclencher une insurrection. Si une troupe de soldats se présente chez M. Salvancy et s’il ne se laisse pas faire – sa maison est une forteresse –, il y aura émeute et nul ne sait ce qui se passera ensuite.

O ne répondit pas à l’argument. Il en voyait parfaitement la pertinence. Il serra les poings jusqu’à se faire mal. Son roi était devenu si faible qu’il ne pouvait même plus imposer sa volonté !

— Mais tout n’est pas perdu, Cap de Diou ! MM. Poulain et Hauteville ont dans l’idée de reprendre eux-mêmes l’argent volé à Sa Majesté !

— Comment ça ? demanda O avec surprise, persuadé qu’il était que Guise s’était déjà tout approprié.

— Sandioux ! M. le marquis m’excusera si je n’ai pas tout compris, mais ce fripon de M. Salvancy posséderait certains papiers qui, rendus au roi, lui permettraient de récupérer les tailles qu’on lui a rapinées !

— Des lettres de crédit ? Des quittances de banquier ?

— Oui, c’est cela, monsieur le marquis.

François d’O hocha la tête, montrant qu’il connaissait le procédé.

— Et ça représenterait combien ? demanda-t-il.

— Ça, je ne sais pas, monsieur le marquis.

Ce devait pourtant être une coquette somme, se dit O, pour qu’ils soient prêts à prendre le risque de s’attaquer ainsi à la Ligue.

— Comment comptent-ils agir ?

À grand renfort de Panfardious ! de Sandioux ! et de Cap de Bious ! le Gascon expliqua le plan des deux hommes avant de conclure :

— … Comme M. Poulain ne pouvait participer à ce coup de main, car M. Salvancy le connaît, il n’y aurait eu que M. Hauteville et moi. On aurait été un peu juste, d’autant que le Salvancy a des gardes ! Alors, M. Poulain a pensé à vous. Peut-être pourriez-vous nous donner quelques hommes de confiance pour monter cette entreprise… Ou venir vous-même…

O hocha de la tête. Il comprenait mieux maintenant la venue de Cubsac, Poulain et Hauteville avaient sans doute élaboré une action audacieuse contre Salvancy, mais ils ne pouvaient la mener à bien. Il était naturel qu’ils aient fait appel à lui. Et ce qui tombait bien, c’est qu’il avait très envie d’y participer ! D’abord pour châtier ce larron, mais surtout pour reprendre l’argent, si c’était vraiment possible. Quelques centaines de milliers de livres pourraient bien faire la différence dans la guerre qui se préparait. Seulement, il ne pouvait s’absenter pour l’instant. Le matin même, il avait appris que le duc d’Elbeuf marchait sur Caen avec ses trois cents lances. Tant qu’il menaçait la ville et le château, il ne pouvait s’éloigner.

C’est ce qu’il expliqua à Cubsac en lui précisant que, puisqu’il était là, il le garderait à son service, car il pourrait bien y avoir escarmouche, ou même bataille, dans les jours à venir.

Le lendemain, justement, un héraut d’armes se présenta aux échevins de la ville. Le duc d’Elbeuf leur demandait l’entrée dans la cité avec sa troupe. Après avoir consulté leur gouverneur, les échevins, craignant d’être désagréables au roi, le supplièrent de ne pas le faire. Leur réponse était fort cérémonieuse et révérencieuse, mais elle était tout aussi ferme et négative ! Ils n’ouvriraient pas les portes de leur ville à la compagnie du duc.

Cependant, pour éviter de se faire d’Elbeuf un ennemi mortel, François d’O l’invita à dîner pour le lendemain, le 6 avril. L’invitation précisait toutefois que le duc ne devrait pas être accompagné de plus de quarante hommes d’armes, lesquels seraient logés dans les hôtelleries de la ville.

Le duc accepta et entra dans Caen par la porte des Champs du château, ce qui permettait au marquis d’O de contrôler ses soldats. Le dîner se déroula avec beaucoup de faste afin de montrer à Elbeuf à quel point le gouverneur était honoré de sa visite. Pourtant, et en toute amitié, O lui expliqua qu’étant déjà un fidèle du duc de Guise, il n’avait pas à lui remettre les clefs de la ville, ou à accepter une garnison militaire. Le lui demander aurait été un manque de confiance injurieux à son égard.

Malgré un premier échange assez vif, Elbeuf dut se contenter de cette réponse. Il n’avait pas les moyens d’imposer sa volonté par la force, ayant remarqué comme le château était bien défendu. Il avait aussi appris que les quelques bourgeois de Caen gagnés à la cause de la Ligue avaient tous été désarmés et écartés de la milice.

Il fit contre mauvaise fortune bon cœur, assura lui aussi fort hypocritement le marquis de son amitié et repartit pour Rouen le lendemain sans avoir rien obtenu. O savait que ce double jeu ne pourrait guère durer et que le duc de Guise devinerait vite qu’il avait été joué, mais le temps gagné permettrait au roi de mieux préparer sa défense.

Après le départ d’Elbeuf, François d’O hésita encore à se rendre à Paris. Abandonner le château n’était pas sans risque alors que la troupe d’Elbeuf était encore dans les environs. Le roi pourrait le lui reprocher, même si c’était pour une opération à son service. Or, deux jours après ce dîner mémorable, lors d’un transport, les deniers royaux de la recette générale de Caen furent volés par une troupe de pillards que l’on ne put identifier. Vengeance d’Elbeuf, ou coïncidence ? Nul ne pouvait le dire mais l’affaire était des plus graves. Elle donnait surtout au marquis un prétexte pour se rendre à Paris. S’étant assuré qu’Elbeuf s’était suffisamment éloigné, François d’O partit pour la capitale le surlendemain, cette fois accompagné par une dizaine d’hommes d’armes. Son frère et son lieutenant pourraient assurer la défense de Caen en son absence.

Il arriva à Paris le matin des Rameaux où, en attendant de pouvoir rencontrer Henri III, il fit prévenir Nicolas Poulain et Olivier Hauteville de se rendre chez lui le lendemain.

Huit jours après avoir fui de Paris, Maurevert était revenu sans difficulté dans la capitale avec son passeport signé par Cheverny, un document fort acceptable depuis que le roi avait installé ses officiers aux portes de la ville.

L’assassin s’était rendu directement chez Salvancy. Il avait trouvé le receveur des tailles amaigri, torturé par la crainte incessante d’être arrêté. M. Salvancy savait, par son protecteur, qu’Olivier Hauteville ne se rendait plus au tribunal de l’élection mais qu’il avait fait des vérifications à la chancellerie. Le receveur des tailles était de plus en plus certain que Hauteville allait découvrir son rôle, si ce n’était déjà fait.

Maurevert lui expliqua pourquoi il n’avait pu encore agir et lui demanda de lui procurer un passeport en blanc signé du prévôt des marchands, indispensable pour sa logeuse afin qu’il ne soit plus importuné par le quartenier. Le contrôleur des tailles lui remit le précieux document dans les deux jours et Maurevert n’eut plus qu’à le remplir sous son nom d’emprunt de chanoine de Conflans. Avant de partir, Salvancy le supplia encore d’agir au plus vite. Il risquait à tout moment l’arrestation, lui expliqua-t-il entre deux geignements, et il ne savait pas s’il pourrait résister à la question avec les brodequins.

Maurevert revint s’installer en face de la maison de Hauteville. Il remit son nouveau passeport à sa logeuse et lui demanda de ne plus le déranger quand il était là, sauf pour qu’un de ses domestiques lui porte à souper. Le tueur des rois était exaspéré par tous les contretemps qu’il avait subis et était décidé à en finir au plus vite. Cependant, il eut tôt fait de se rendre à l’évidence. La maison de Hauteville n’était plus occupée que par des domestiques. En effet, Olivier était parti avec Nicolas Poulain à Saint-Germain pour rassembler des preuves contre Salvancy.

À la fin de la seconde semaine d’avril, Poulain et Hauteville rentrèrent de Saint-Germain. Alors qu’Olivier commençait la rédaction d’un mémoire sur ses travaux d’investigation, Nicolas se rendit plusieurs fois rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie pour étudier la maison de Salvancy. Celle-ci n’avait que deux ouvertures en façade : une massive porte cloutée à deux battants et une grande fenêtre protégée par une grille et des volets intérieurs. Il était impossible de les forcer. Quant aux fenêtres du premier étage, en encorbellement, elles étaient aussi fermées par des volets intérieurs et de toute façon trop hautes pour s’y introduire.

C’était impossible de pénétrer par la force, se dit-il, surtout s’il y avait des gardes, comme le leur avait affirmé Cassandre, sans compter les domestiques qui devaient être nombreux. La ruse d’Olivier restait sans doute le seul moyen. Mais Salvancy s’y laisserait-il prendre ? Et n’auraient-ils pas malgré tout à batailler ?

C’est lors de son troisième passage dans la rue – c’était le samedi matin – qu’il vit sortir l’homme qui l’avait accusé de lui avoir volé sa bourse. Celui qui avait déclaré se nommer Valier. Stupéfait, Nicolas Poulain se dissimula dans un porche.

L’homme se rendit jusqu’à la minuscule boutique d’un chandelier de suif où il acheta des chandelles avant de revenir à la maison de Salvancy.

C’était bien là qu’il logeait ! Son accusation, et l’arrestation qui s’était ensuivie, était bien un coup monté par Salvancy. Mais dans quel but ? Il n’était resté emprisonné que trois jours et les ligueurs qui étaient venus le voir n’avaient rien laissé paraître des raisons qui auraient pu les guider à agir ainsi.

Cette affaire restait un mystère, mais il allait être aisé de le résoudre. Puisque le commissaire Chambon voulait retrouver ses accusateurs, il suffisait de lui faire savoir que Valier habitait chez Salvancy. Une fois arrêté et menacé de la question, le pendard raconterait tout.

Nicolas Poulain s’apprêtait à prévenir le commissaire quand il se dit qu’il pouvait peut-être en apprendre un peu plus. Il attendit donc un moment, pour être certain que Valier n’allait pas ressortir, puis se rendit jusqu’à l’échoppe du chandelier de suif où il resta à examiner les chandelles, bougies et flambeaux que l’artisan exposait sur une étagère. Le maître chandelier était en train de fondre des cierges dans un grand moule en bois et il ne s’interrompit qu’après avoir vidé tout son suif puant dans les formes et placé les mèches. C’était un homme sanguin, au teint rouge et au nez couperosé. Vêtu d’une robe sombre protégée par un tablier de cuir, il transpirait abondamment à cause de la chaleur du fourneau où il faisait fondre la graisse de mouton.

Poulain lui glissa un liard de trois deniers un quart et lui demanda, en désignant un des plus petits modèles :

— Donnez-m’en une douzaine de cette taille…

L’artisan se rendit jusqu’à son minuscule ouvroir, au fond de la boutique, et revint avec un paquet de douze chandelles liées par un cordon. Il prit la pièce et rendit quelques sols.

— Je ne savais pas que mon ami Valier habitait là, fit encore Poulain en désignant la maison de Salvancy. Je l’ai connu à la bataille de Jarnac et je ne l’avais pas revu depuis.

— Vous étiez soldat ?

— On était ensemble dans une compagnie du duc d’Anjou ! Pouah ! Il a bien changé en devenant roi, celui-là !

— Dieu nous en débarrassera, promit le chandelier en se signant. Dans quelques jours, on l’aura attrapé et serré dans un couvent. Enfin, on aura un vrai roi… mais je ne vous ai jamais vu dans le quartier… ajouta-t-il avec une ombre de méfiance.

— J’habite sur la rive gauche et je cherche un logis plus grand. On m’a dit qu’il y en avait à louer rue du Puits, ou vers les Blancs-Manteaux.

— C’est bien possible. Si vous trouvez, je vous verrai sans doute plus tard à la milice du guet, car j’en suis lieutenant. Valier en fait aussi partie, il remplace souvent son maître, M. Salvancy, quand il ne peut venir. Vous aurez ainsi l’occasion de le revoir.

— Ce sera un honneur d’être sous vos ordres, le flatta Poulain. Je me souviens qu’à Jarnac, on était aussi avec un nommé Faizelier, je ne sais pas ce qu’il est devenu, lui.

— Faizelier ? Il est avec Valier, ils sont tous les deux au service de M. Salvancy.

— Ils ont bien de la chance, c’est une belle maison ! s’extasia Poulain.

— C’est vrai, et ils n’ont pas grand-chose à faire ; ils ne font que l’escorter quand il sort.

— Voilà un travail qui me plairait, conclut Poulain en le saluant avant de s’éloigner.

C’est le lendemain dimanche qu’il reçut le mot que le marquis d’O, qui venait d’arriver à Paris, lui avait fait porter.

Le lundi, à la pique du jour, Nicolas Poulain et Olivier Hauteville, se présentèrent avec Caudebec et Cassandre chez le marquis d’O.

En effet la veille, Olivier, averti lui aussi de l’arrivée de M. d’O, s’était rendu chez Scipion Sardini pour prévenir Cassandre et lui proposer de rentrer avec lui à Paris afin d’aller ensemble chez le marquis le lundi matin. Elle l’avait reçu froidement, sans la présence de Caudebec et en le laissant dans la cour, souhaitant visiblement ne pas faire durer leur entretien, comme si elle avait quelque chose ou quelqu’un à cacher. Elle lui avait simplement promis de venir chez lui le lendemain, dès l’ouverture des portes de la ville. Il était reparti le cœur meurtri de son indifférence.

François d’O avait logé tous ses hommes d’armes avec beaucoup de difficultés dans sa maison trop petite. Il aurait pu en envoyer une partie rue Vieille-du-Temple, à l’auberge de L’Homme armé, mais il préférait les savoir près de lui : en traversant Paris, il avait senti à quel point la sédition grondait et il s’était dit qu’il risquait fort d’avoir besoin de ses gens.

Ses soldats avaient donc été entassés au deuxième étage, sous les combles avec les domestiques, et un peu partout où il restait de la place. La chambre du marquis était la seule pièce préservée.

Quand les visiteurs y entrèrent, introduits par Charles, le valet de chambre, O fut surpris en découvrant Cassandre et Caudebec qu’il ne connaissait pas. C’est Nicolas Poulain qui les présenta rapidement et Cassandre fut la première à prendre la parole, en expliquant son rôle. Elle s’en tint bien sûr à l’histoire qu’elle avait racontée à Olivier. Elle était la nièce de Scipion Sardini qui soupçonnait le receveur des tailles Jehan Salvancy de détourner une partie des impôts et qui s’en inquiétait. Elle raconta comment elle avait été invitée chez lui, comment elle avait tenté une perquisition et à quelle occasion elle avait trouvé la clé qui lui avait permis de rencontrer Olivier Hauteville.

Ce dernier l’écouta, le visage impénétrable. Quand elle eut terminé, il détailla le mécanisme frauduleux mis au point par Salvancy, et l’existence de doubles registres de tailles : l’un servant à la collecte et préparé par les asséeurs des paroisses, et un autre, celui des receveurs, paraphé par les élus, puis archivé au greffe, sur lequel les plus riches habitants faussement anoblis avaient été supprimés.

La fraude n’était finalement que l’imitation à grande échelle d’un procédé banal utilisé par ceux qui ne voulaient pas payer de tailles, mais organisé avec de tout autres moyens, et l’accointance d’une partie de l’administration chargée de la collecte.

— J’entends bien la méthode, fit O après ces explications. Mais pour que cette fraude fonctionne, elle a dû impliquer de puissantes complicités à la surintendance. Salvancy ne peut en avoir été que le percepteur. Qui sont les autres ?

— Pour l’instant, je l’ignore, monsieur le marquis, répondit Olivier. Ce sera aux enquêteurs et aux procureurs de la cour des Aides de faire toute la lumière. Il semble toutefois que les complicités n’étaient peut-être pas si nombreuses. Les lettres de provision de ces faux nobles ont été présentées au bureau des finances qui les a jugées valides. Toutes portaient le sceau de la chancellerie.

— Comment se fait-il ? s’étonna O, brusquement inquiet à l’idée que le chancelier Cheverny, un des plus solides soutiens du roi, puisse être impliqué dans cette fraude.

— Il semble qu’un adroit faussaire ait imité les sceaux, monsieur. Peut-être est-ce ce fameux Larondelle qui a été pendu en juillet de l’année dernière, proposa Poulain.

— Pour ma part, j’ai surtout rassemblé des preuves, reprit Olivier. J’ai déjà le témoignage écrit de trente-sept personnes qui ont effectivement payé leurs tailles alors qu’elles sont déclarées comme nobles, et vérifiées comme telles par les élus. Je pense qu’il y a au total un millier de personnes dans ce cas, dans toute l’élection de Paris.

O resta silencieux un moment, vérifiant mentalement l’affirmation de Hauteville. Un tenant occupant une ferme d’une centaine d’acres avec une dizaine de chevaux, autant de vaches et deux cents moutons, payait au moins deux cents livres de taille. Un millier d’entre eux, faussement anoblis, entraînaient facilement une perte annuelle de deux cent mille livres. C’était bien l’ordre de grandeur annuel de la fraude.

Ensuite l’argent allait à Guise. Ce n’était pas la première fois que l’intuition du roi s’avérait d’une rare justesse. Malheureusement, il avait agi trop tardivement. S’il avait été prévenu quelques mois plus tôt, la situation serait bien différente ! Maintenant, combien de ses ministres, de ses officiers, de ses proches, de ses amis – ou qui se disaient tels –, étaient passés dans le camp adverse ?

— Avez-vous tout de même des soupçons sur ceux qui ont arrangé ce brigandage ? demanda-t-il finalement.

— Il y a certainement parmi eux des membres de la ligue parisienne, bien que nous n’ayons aucune certitude, répondit Nicolas Poulain. Nous espérons avoir des noms en fouillant les papiers de M. Salvancy. Ce qui est probable, c’est qu’il ait des amis haut placés à la surintendance, c’est la raison pour laquelle nous vous avons demandé de l’aide. Seuls, nous ne pouvions le confondre et reprendre l’argent volé à Sa Majesté.

— Expliquez-moi comment vous comptez vous y prendre.

— C’est Mlle Sardini qui nous a donné cette idée, avoua Olivier. Elle nous a dit qu’à chaque dépôt que faisait M. Salvancy à la banque Sardini, il recevait une quittance.

O hocha la tête, montrant qu’il connaissait le procédé.

— Une partie de ces quittances a déjà été encaissée par le trésorier du duc de Guise. Pour environ cinq cent mille livres. Mais M. Salvancy a toujours sur les comptes de la banque Sardini pour environ neuf cent mille livres. Il doit donc en avoir les quittances. Si nous pouvions entrer chez lui par surprise, nous pourrions obtenir des papiers l’incriminant ainsi que ces quittances qui, signées par lui, permettraient au roi de se rembourser.

O le considéra longuement sans que son visage ne manifeste le moindre sentiment, puis son regard balaya Poulain et Cassandre et Caudebec qui attendaient sa décision. Ces quatre-là semblaient avoir conçu une habile solution pour renflouer les caisses du roi. Trois cent mille écus soulageraient certainement Henri ! Sans compter que cet argent ferait en même temps défaut à Guise et à la Ligue !

— Êtes-vous certain qu’il a des quittances pour cette somme ?

— C’est ce qui est indiqué sur les comptes de mon oncle, répondit Cassandre.

— Et il suffirait de les lui faire signer ?

— Oui, monsieur, affirma-t-elle.

— Comment voyez-vous la chose ? demanda alors O.

Ce fut Poulain qui reprit la parole :

— Il y a quelques semaines, nous étions tous invités à souper chez M. Hauteville quand une troupe du guet bourgeois s’est présentée. C’était la nuit et le chef de la patrouille s’est fait passer pour un officier de la milice urbaine. Le concierge d’Olivier lui a ouvert sans méfiance, car ces hommes portaient morion, corselet et pertuisane.

» Ils étaient venus pour assassiner Olivier, comme d’autres l’avaient fait le mois précédent pour son père, et sans doute pour les mêmes raisons : on ne voulait pas qu’il découvre comment les tailles de l’élection de Paris étaient rapinées.

— M. de Cubsac m’a raconté l’affaire en chemin. Vous les avez tous occis ! s’exclama O avec un rire cruel. Je crois qu’ils étaient bien mal tombés avec vous !

— En effet, monsieur. Mais cette aventure nous a donné l’idée d’agir comme eux avec M. Salvancy.

— Vous présenter comme une troupe d’exempts du Châtelet, par exemple ? Mais vous venez de me dire que cela pourrait provoquer une émeute…

— Non, monsieur. Notre idée est de venir chez M. Salvancy comme des hommes de M. de Mayenne ou de M. de Guise, qui seraient là au contraire pour le protéger d’une arrestation. Il doit être possible de le duper avec une fausse lettre de M. de Mayneville que M. Hauteville se proposait d’écrire. Une fois dans sa maison, si nous sommes assez nombreux, il sera aisé de maîtriser gardiens et domestiques et de fouiller complètement les lieux. Malheureusement M. Salvancy m’a déjà vu (il ne précisa pas en quelles circonstances) et il connaît M. Caudebec. Nous ne pouvons donc prendre part à cette supercherie. Or quatre ou cinq personnes, au moins, seraient nécessaires.

— Vous auriez pu demander de l’aide à vos sergents ? suggéra O.

— Cela restera une opération illégale, monsieur, même si elle est pour la cause du roi. Ne pourraient y participer que des gens de confiance. Imaginez que le Parlement en entende parler, le roi ne pourrait nous défendre !

— Et vous avez pensé à moi dont la réputation d’archilarron, n’est plus à faire ! s’esclaffa O de bon cœur. Vous avez bien fait ! Avec Dimitri et Charles, c’est mon valet de chambre, vous l’avez vu tout à l’heure, nous serons cinq, ce qui devrait suffire… Combien y a-t-il de domestiques chez Salvancy ?

— Une bonne dizaine, mais beaucoup de femmes. Lui-même est marié. Nous pourrons rassembler tout le monde dans une seule pièce, monsieur. Mlle Sardini et M. Caudebec nous ont fait un plan de la maison. Le problème vient surtout de ses gardes du corps, mais je sais depuis deux jours comment les neutraliser.

— Expliquez-moi ça…

— J’ai été emprisonné au Grand-Châtelet durant quelques jours sous une fausse accusation, monsieur. Je n’en ai pas encore percé les raisons exactes, mais j’ai découvert récemment que mes accusateurs étaient les deux gardes du corps de M. Salvancy. Or le commissaire Chambon, qui m’a libéré sur ordre de M. Séguier, recherche ces hommes pour les interroger. Je vais lui dire où ils se trouvent, et lui demander qu’il les appréhende et les conduise au Châtelet pour les mettre sous clef. Ainsi, nous aurons deux personnes de moins.

— Je vois que votre entreprise est bien avancée, approuva O. Je vous propose que nous l’étudiions maintenant dans le détail, car elle présente encore quelques point faibles. Ainsi, je ne pense pas que M. Hauteville puisse imiter une lettre de M. de Mayneville, mais je sais à qui confier cette tâche. Cependant avant de commencer, vous allez me raconter cette attaque que vous avez subie, monsieur Hauteville. Ce manchot qui dirigeait les truands m’intrigue fort. Ensuite, monsieur Poulain, je veux tout savoir des circonstances de votre arrestation.

Ils travaillèrent ainsi une couple d’heures. Il fut convenu qu’une fois chez Salvancy, si celui-ci possédait les quittances, ils les lui feraient signer de force, avec une déclaration de culpabilité. En revanche, s’il ne les avait pas, il serait nécessaire de l’emmener pour un interrogatoire. Sans doute faudrait-il alors le bâillonner et le transporter sur un cheval, mais cela ne pourrait se faire qu’à la nuit tombante pour que personne ne le reconnaisse.

Restait un sujet dont François d’O s’étonnait qu’il n’ait pas été abordé. Jehan Salvancy était-il l’assassin du père d’Olivier, de sa gouvernante et de son domestique ? C’était le plus probable, aussi proposa-t-il au jeune homme de décider du sort du receveur des tailles, en lui faisant remarquer qu’à sa place, il lui passerait son épée au travers du corps sans autre forme de procès.

Olivier lui répondit qu’il souhaitait interroger Salvancy, et que tout dépendrait de ses réponses ainsi que des documents trouvés chez lui. Le receveur devrait s’expliquer sur la présence de la clef de sa maison, mais même s’il était l’assassin, le jeune homme voulait avant tout punir celui qui avait conçu la fraude, car c’était sans doute lui qui avait décidé la mort de son père.

Or, celui-là, il croyait le connaître, et ce n’était pas M. Salvancy, assura-t-il, mais il refusa d’en dire plus. Son visage était alors tellement sombre et fermé que personne n’osa lui poser de question.

Le soir même, le marquis d’O se rendit chez Richelieu pour lui dire qu’il avait besoin des services d’un faussaire capable d’écrire une lettre signée et cachetée par M. de Mayneville. Un tel faux était passible de pendaison, parfois de la roue, mais Richelieu avait déjà commis ce genre d’écart, et il pouvait faire bien pire au service du roi. Le marquis d’O lui raconta à peu près la vérité ; qu’il voulait, par cette lettre, éloigner de chez lui un receveur des tailles afin de perquisitionner sa maison. Cet homme participait aux détournements des impôts qu’avait constatés Bellièvre.

Le Grand prévôt ne posa pas de questions. O avait la responsabilité de cette affaire et il la conduisait comme il voulait, jugeait-il. Le marquis lui remit le texte de la lettre que le faussaire devrait écrire, et lui demanda qu’on la lui porte le lendemain matin, aux aurores. De son côté, Nicolas Poulain s’était rendu au Grand-Châtelet pour rencontrer le commissaire Chambon. Ne l’ayant pas trouvé, il était allé chez lui. Pierre Chambon vivait seul avec un valet et une cuisinière dans un petit logement de la rue de la Croix-Blanche, à côté de l’hôtellerie du même nom. Il fut surpris de voir arriver Nicolas Poulain comme il était à table avec ses domestiques. Ceux-ci se rendirent dans une autre pièce et Poulain lui expliqua qu’il avait retrouvé les nommés Valier et Faizelier ; ils étaient au service d’un receveur des tailles nommé Jehan Salvancy qui habitait rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie.

Quand le commissaire lui demanda comment il avait fait, le lieutenant du prévôt inventa qu’il avait interrogé des gens ayant assisté à son interpellation, et que ces témoins avaient reconnu les deux hommes. Il suggéra à M. Chambon de les arrêter le lendemain à la première heure. Lui-même aurait voulu en être, mais il aurait alors une importante visite. En revanche, sitôt l’arrestation faite, il aurait été reconnaissant au commissaire de le faire prévenir, non chez lui, mais chez Olivier Hauteville dont il donna l’adresse. Il le rejoindrait ensuite au Châtelet dès qu’il le pourrait.

Tout ceci était bien sûr fort inhabituel pour le commissaire, mais, après avoir conduit Poulain chez le lieutenant de police et chez le chancelier, après avoir assisté à son pseudo blâme par M. de Villeroy, et enfin après avoir reçu pour instruction de le libérer quand il le souhaiterait, il avait compris que M. Poulain s’occupait d’affaires d’une haute importance pour lesquelles il n’avait pas à s’interroger.

Obéissant donc aux ordres que lui avait donnés M. Séguier, M. Chambon promit de faire scrupuleusement ce que son visiteur exigeait.

Mais une autre idée trottait dans la tête de Nicolas Poulain depuis qu’il avait retrouvé ses accusateurs. Le tailleur, voisin des Hauteville, avait vu trois hommes, dont deux traîneurs d’épée se présenter chez M. Hauteville. Si c’étaient les assassins, les deux spadassins étaient sans doute les exécutants chargés de faire la sale besogne sous la direction de leur chef, un homme que M. Hauteville père connaissait et en qui il avait confiance.

Les deux bretteurs étaient peut-être des truands engagés pour l’occasion, mais Poulain n’y croyait guère. Ils auraient pu se retourner contre celui qui les avait pris à son service, ou simplement parler lors d’une beuverie. Le chef avait donc certainement choisi des gens sûrs. Et si c’étaient tout simplement les deux gardes de Jehan Salvancy ? Pour ce qu’il avait vu d’eux, il les jugeait capables de tuer père et mère pour de l’argent. Or, au service du receveur des tailles, leur silence était garanti et leur présence aurait parfaitement expliqué la découverte de la clef de la maison de Hauteville chez le receveur ; les deux pendards l’auraient emportée et remise à leur maître.

— Ces deux hommes que vous arrêterez demain ont peut-être des crimes plus graves à se reprocher, dit-il finalement.

— Lesquels ? s’enquit le commissaire.

— Interrogez-les sur l’assassinat de M. Hauteville qui a eu lieu au début du mois de janvier, dans la rue Saint-Martin.

Les rapines du Duc de Guise
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